Billag: Inégalités de traitement

Billag: Inégalités de traitement

Pour Pierre-Daniel Senn, vice-président de l'UPSA, un impôt Billag placerait les garagistes suisses dans une situation délicate.
 



Journal des arts et métiers : Que penser de ce nouvel impôt sur les médias, auquel les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 500 000 francs seraient assujetties ?
Pierre-Daniel Senn : Tout d'abord, sur le principe de faire payer les entreprises: à l'UPSA comme à l'usam, nous y sommes opposés. Car nous payons déjà à la maison, pourquoi faudrait-il passer à la caisse encore une fois pour l'entreprise ? En regardant le projet dans le détail, on s'aperçoit qu'il contient une multitude de barèmes. Pourquoi certains paient et d'autres pas ? En lisant le message du Conseil fédéral, j'ai eu une sensation horrible : l'exécutif a choisi de fixer tel tarif pour ne pas déplaire à tel groupe d'intérêt. C'est une véritable cuisine politique à laquelle on s'est livré !

Que signifie ce nouvel impôt pour les professionnels de l'automobile et les 4000 garages que l'association représente ?
Pour nous, il y a clairement plusieurs inégalités de traitement. Les garagistes vendent des produits dotés de très forts chiffres d'affaires et de petites marges. Du coup, un tel impôt sur le chiffre d'affaires crée évidemment une double inégalité de traitement. D'abord comme entrepreneur, nous sommes imposés deux fois. Et ensuite, parce que le tarif défavorise largement notre branche: les garagistes réalisent vite des millions de chiffre d'affaires, entre 20 et 25 millions pour un garage moyen. En étant imposés selon ce critère, nous entrerions en plein dans la haute catégorie du tarif ! Les garagistes payeraient donc plus que proportionnellement par rapport aux autres entreprises. Toutefois, avec des cash-flows qui tournent autour de 1 % dans les garages, les chefs d'entreprises peuvent se retrouver dans des situations difficiles. J'ai calculé que certains garagistes devraient payer un impôt médias plus élevé que l'impôt fédéral direct. Cela explique que nous protestions aussi vigoureusement !

Quel est le problème de principe pour lequel vous vous opposez à cet impôt ?
Cette proposition crée un déficit démocratique : pour avoir un impôt fédéral direct, il est nécessaire de disposer d'une loi, d'une ordonnance: tout cela est voté et fait l'objet d'un processus démocratique. Dans le cas de Billag, il n'y a rien de tel : le Conseil fédéral fixe son barème et c'est terminé ! Le problème est sérieux, rappelons que l'on veut prélever ici des montants qui, pour les entreprises, s'élèvent à des centaine de millions de francs. C'est tout de même l'équivalent d'une vignette autoroutière ! Mais pour la vignette, il y a eu tout un processus démocratique auparavant. Pourquoi pas pour Billag ?

Pourquoi les petites entreprises seraient-elles plus importées ?
Prenons un petit garage qui réalise 6 millions de francs de chiffre d'affaires par année. Il payera autant d'impôt fédéral direct que d'impôt sur les médias. Pour Novartis, c'est 39 000 francs : or en divisant cette somme par le nombre d'employés, cela ne revient pas à une très grande somme. En revanche, pour une entreprise à 6 millions de chiffres d'affaires qui ne compte que six ou sept employés, la pression fiscale va être énorme. Cela dit, l'imposition en fonction du nombre d'employé avait été examinée par le Conseil fédéral. Ce dernier l'avait abandonnée sous le prétexte que dans l'agriculture, qui a beaucoup de bras, ce serait une charge excessive. Pour l'agriculture, bien organisée avec son lobby, cela marche. En revanche, pour l'automobile, moins bien représentée au Parlement, c'est plus difficile de faire entendre notre point de vue. C'est une inégalité de traitement supplémentaire !

Quelles sont les mesures que vous prenez pour que vos membres s'investissent et récoltent les signatures ?
Au niveau de l'association, nos représentants visitent chaque jour plusieurs garages dans toute la Suisse et récoltent activement les signatures. Nous sommes aussi épaulés par nos sections, les secrétariats ont déployé d'importants moyens pour faire signer ce référendum. Nous nous activons également durant toutes nos manifestations. A titre personnel, lors d'une séance consacrée à la comptabilité dans les garages, j'ai constaté que la plupart des gens ne savaient pas que cela existait. En revanche, quand ils ont appris ce qu'ils allaient devoir payer, ces chefs d'entreprises ont souhaité s'engager dans la récolte des signatures. Je les ai trouvés vraiment très motivés...

Est-ce plus difficile de récolter des signatures en Suisse romande qu'en Suisse alémanique sur cette question ?
Non, je ne crois pas. Toutefois, il est vrai qu'en Suisse allemande, le réflexe anti-Billag semble plus prononcé que de ce côté de la Sarine. Et cela va un peu plus loin, les Alémaniques ont d'autres visions pour financer les médias. En Suisse romande, nous sommes peut-être un peu plus étatiste. Mais je ne pense pas que cela soit fondamental, ni que cette impression soit très fiable.

Dans les garages, les marges rétrécissent, les rendements diminuent. Comment la branche de l'automobile se porte-t-elle en Suisse en cette fin d'année ?
Les évolutions récentes de la branche montrent une stabilisation dans l'entretien et la réparation des véhicules. Cette amélioration intervient après des pertes considérables dans le commerce des véhicules d'occasion. Un retour à l'équilibre est attendu dans ce secteur. Pour rappel, quand l'euro a baissé, le prix des voitures d'occasion a diminué dans les mêmes proportions. Mais les garagistes avaient fait des leasings qui allaient échoir entre une année à cinq ans plus tard. Or les valeurs résiduelles auxquelles les garagistes s'étaient engagés à racheter ces véhicules étaient de 20 % trop élevées. Personne ne pouvait prévoir que l'euro allait chuter dans de telles proportions. Cela a causé des pertes considérables et risque de se poursuivre pendant un an ou deux. Ensuite, dans un commerce des occasions qui s'améliorera lentement, on retrouvera un certain équilibre. Le commerce des véhicules neufs, pour sa part, est en légère régression: du fait de l'euro faible, le prix des voitures neuves était 20 % moins cher et les gens ont acheté en masse des voitures neuves. Et jusqu'ici, personne ne savait si l'atterrissage allait être brutal ou en douceur. Apparemment, c'est la douceur qui prévaudra. Le renouvellement du parc s'effectue sur une base légèrement inférieure à 300 000 véhicules par année, si on enlève les immatriculations de courte durée. Ces dernières sont là seulement pour faire un effet esthétique dans la statistique !

Quelle est l'ampleur du phénomène ?
Dans le canton de Neuchâtel, j'ai demandé une estimation au Service des automobiles. Ici, il n'y a pour ainsi dire pas d'importateurs de voitures. Or ce sont essentiellement ces derniers qui réalisent des immatriculations de courte durée. A Neuchâtel, ces immatriculations représentaient fin septembre 2014 environ 10 % du marché. On murmure qu'en Allemagne, ces immatriculations représenteraient plus d'un tiers du marché !

A quoi servent-elles ?
A se mettre en valeur ! Concrètement, l'importateur veut liquider un stock de voitures. Il demande au garagiste d'immatriculer ses véhicules, même sans aucun client. Puis, l'immatriculation est annulée dans les heures qui suivent. L'importateur promet une prime au garagiste qui permettra à ce dernier de revendre les véhicules sans trop perdre d'argent. Et l'importateur aura atteint son objectif : augmenter ses chiffres.

Le problème de base du monde automobile ?
La surestimation des ventes a été massive. Les Européens, contrairement aux Américains et en raison de motifs politiques, n'ont pas eu le courage de fermer certaines usines. Aux Etats- Unis, les constructeurs automobiles sont repartis de tout en bas. Actuellement, ils ont même renoué avec les profits.

(Interview du Journal des arts et métiers).


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