« On a traité les commerçants comme des enfants »
Monsieur Panoff, que fait exactement un expert en transformation ?
Ralph Panoff : Il s’agit essentiellement d’anticiper les changements dans une entreprise ou un modèle d’entreprise, de les comprendre et d’en déduire les mesures à prendre pour que ces changements prennent vie au quotidien. Car sur le papier, beaucoup de choses semblent logiques. Mais plus on se dirige vers le niveau opérationnel, plus il devient clair que ce n’est pas aussi simple qu’on le pensait au départ.
Cela signifie que vous êtes vous-même sur place dans les garages et que vous coachez ?
Lorsque j’étais COO chez Amag, il y avait d’abord une grosse perte au bilan – lorsque j’ai quitté l’entreprise, les améliorations mises en œuvre avec les responsables de garage et le personnel ont débouché sur un joli plus. En 2013, je me suis mis à mon compte, pas tout à fait par choix, et j’ai pu analyser de nombreux établissements sur place dans mon nouveau rôle de conseiller. C’est nécessaire et important pour découvrir comment un système fonctionne et où il y a éventuellement de la marge de progression.
Lors de la « Journée des garages suisses » en janvier, vous parlez des blocs de coûts cachés. Qu’est-ce que les invité-es dans la salle peuvent attendre de vous ?
Je souhaite sensibiliser les participant-es à l’importance de faire coïncider la perception et les faits. De nombreux dirigeant-es, pas seulement dans la branche automobile d’ailleurs, ont une image subjective de l’endroit où se situent les problèmes dans leur entreprise. Cependant, les chiffres et les données racontent généralement une autre histoire.
De nombreux garages agissent donc à l’instinct au lieu de se baser sur des faits ?
Cela arrive, oui. Selon eux, si de nombreuses voitures sont garées devant l’atelier, tout va bien. Mais cette impression est trompeuse. Les critères décisifs sont la productivité, l’efficacité et la facturabilité. Celui qui ne travaille pas assez efficacement a besoin de plus de personnel pour traiter les affaires, a donc des frais de personnel plus élevés et perd parfois massivement de la marge. Même un parvis plein ne sert pas à grand-chose. Je vous donne un autre exemple : si le vendeur 1 vend 100 véhicules par an et le vendeur 2 « seulement » 50, cela ne signifie pas automatiquement que le vendeur 2 est moins bon que le vendeur 1. Si le vendeur 2 doit développer une clientèle entièrement nouvelle et que le vendeur 1 dispose d’une grande base de clientèle existante, le vendeur 1 devrait peut-être pouvoir vendre 120 véhicules.
L’important est donc d’interpréter correctement les chiffres ?
Oui. Il s’agit de comprendre pourquoi les chiffres sont ce qu’ils sont. Quelles sont les causes, quelles sont les différences ? Comment me situer par rapport à la concurrence ? Ce n’est qu’ainsi que l’on peut en déduire les mesures adéquates.
Quelle est l’autonomie des petits garages dans cette construction et quelle est l’influence des constructeurs ?
L’influence des constructeurs et des importateurs est « énorme ». Il existe des directives concernant la qualité, les normes, les marges ou les objectifs, pour ne citer que quelques facteurs. Tout cela limite évidemment énormément la liberté d’entreprendre. Selon moi, cette constellation ne changera guère dans un avenir proche. Le fabricant donne le rythme. Il faut en être conscient et regarder les choses en face. La bonne nouvelle, c’est que cela ne signifie pas qu’il faut se contenter de faire ce que le constructeur et l’importateur indiquent. Il existe des marges de manœuvre. Et il s’agit de les utiliser de manière conséquente.
Les règles du jeu dont vous parlez : comment ont-elles évolué au cours des dernières années ?
Il y a longtemps, la relation entre le constructeur et le distributeur était plus partenariale. Mais depuis quelques années, j’entends de plus en plus dire que le contrôle et la bureaucratie dominent. De son point de vue, le garagiste ne peut plus mettre en scène que la remise du véhicule. Je pense que c’est totalement faux. On ne peut réussir que si les deux tirent à la même corde, si les deux peuvent vivre raisonnablement de leur activité et donc se traiter avec respect. Tout le monde est alors gagnant : les constructeurs, les distributeurs et, en fin de compte, les clientes et clients.
Vous diriez donc que les relations entre les garages et les importateurs sont tendues ?
Dans de nombreux cas : oui. Au cours de ma carrière, j’ai vu plus d’une fois des concessionnaires se faire traiter comme des petits enfants lors d’événements organisés par le constructeur. C’est tout sauf motivant. Mais si les garagistes se sentaient pris au sérieux, leur identification à la marque serait bien plus grande et ils s’engageraient encore plus pour la marque. Il serait si facile d'avoir une collaboration d’égal à égal.
Dans votre keynote au Kursaal de Berne, vous évoquez également « l’excellence opérationnelle ». Que voulez-vous dire ?
Deux choses : premièrement, il doit être clair quels sont les besoins respectifs de mes clientes et clients, c’est-à-dire quelle valeur ajoutée je leur offre. Le deuxième point concerne l’efficacité. Est-ce que j’utilise mes ressources de manière optimale ? Un mécanicien qui met deux fois plus de temps que son collègue pour effectuer une tâche divise par deux la valeur ajoutée. Il ne s’agit pas de mettre la pression, mais simplement de clarifier les choses. Comprendre les processus pour pouvoir les optimiser.
Mais tous le personnel d’un établissement ne travaille pas à la même vitesse.
Absolument, c’est normal, les gens sont différents. C’est pourquoi il faut une direction, un développement et une formation continue. Les faiblesses doivent être identifiées et les forces utilisées de manière ciblée. L’excellence opérationnelle se construit rarement du jour au lendemain.
Que doivent retenir les garagistes de votre exposé ?
Les garagistes voudraient souvent être juste un-e chef-fe, se sentent sous-payé-es et préféreraient être dans la stratégie. Mais nous devons réapprendre à nous occuper des affaires opérationnelles. Celles et ceux qui y parviennent ne deviennent pas victimes de la transformation, mais créateurs.
Ne manquez pas le congrès !
Vous n’êtes pas encore inscrit à la « Journée des garages suisses » ? Alors réservez absolument l’une des dernières places pour le 20e congrès, qui se tiendra le mardi 13 janvier 2026 au Kursaal de Berne.
Les frais d’inscription au colloque, déjeuner compris : Pour les membres de l’UPSA : CHF 330.– plus TVA. Pour les non-membres : CHF 380.– plus TVA.